Cristina Domínguez - Les cieux du Conflent

Les cieux du Conflent

 

Deux années déjà que j’habite Prades. Pour moi, une nouvelle vie plus calme et reposée que celle de Barcelone. Deux cents trente kilomètres suffissent pour ouvrir un monde absolument nouveau. Quelle expérience ! Quel bouleversement ! Chaque pas donné, une découverte... A moitié du chemin vécu, changer la grande ville pour la campagne c’est un précieux cadeau ; aller d’un pays à un autre, une aventure excitante, j’aurais mille anecdotes à raconter, on aura le temps... Mais quand on me pose la question sur ce qui m’a le plus étonné ici, je n’ai qu’une seule réponse : les cieux du Conflent. 

Dès que j’ouvre la fenêtre de bon matin, ma maison se réveille entourée de fantaisie. Coté nord le Col de Jau, coté sud le Canigou, superbe montagne sacrée des catalans, de laquelle j’avais entendu parler dès mon enfance dans les chansons populaires que mon père nous faisait écouter les dimanches. Jamais je n’aurais imaginé la voir de si près, juste devant mes yeux ! Et au dessus toujours un espace si spectaculaire, des cieux toujours différents qui n’ont rien à voir du côté gauche avec celui de droite, transformations impressionnantes à chaque instant.

 Récemment installée, le printemps me surprit un jour avec un arc-en-ciel parfaitement dessiné comme j’avais seulement vu dans les livres de contes, un arc complet avec toutes ses couleurs posé sur le Col. Magnifique ! Pouvait-on le voir aussi de Molitg ou de Mosset ? L’encadrement était comme fait exprès pour moi. Merci Nature ! ces mots éclataient de mon intérieur. 

Les nuages les plus doux, les plus cotonneux, les plus féroces, les plus menaçants, c’est ici que je les ai vu. On les a par groupements familiaux, gracieusement enchaînés, par associations d’amitiés, agissant comme des armées prêtes à la bataille, ou isolés comme des ermites. Grands, moyens, petits, arrondis, anguleux, ou encore cubiques. Et pourquoi ne pas parler de leurs couleurs et intensités. Les blancs dans le calme, les mauves quand la pluie vient les accompagner tout de suite, les rosés et les dorés quand le soleil va se coucher et aussi quand l’atmosphère devient virulente. 

Ils se caractérisent par leur imprévision. De n’importe d’où, ils se présentent sans prévenir et semblent dire, nous sommes là, que vous le vouliez ou non ! et tel qu’ils arrivent, ils disparaissent, parfois enlevés par le vent remarquablement accusé dans notre vallée, mais parfois aussi silencieusement, tout en mystère. On dirait des enfants rebelles et terribles, à la domination desquels leurs parents auraient renoncé. Ils plongent dans les cieux avec l’esprit envahissant toute la région : effrayants raconteurs d’histoires de sorcières. 

Les dimanches en rentrant de l’Espagne, presque toujours avant le soir, après Perpignan le silence s’installe dans la voiture entre mon époux et moi pendant quelques minutes de contemplation, interrompues par un : Oh les ciels du Conflent ! Prononcé avec une véhémence exultant de l’un ou l’autre et suivi d’une série de commentaires autour du splendide spectacle des figures qui se devinent et qui développent notre imagination et nous fait fabuler sur les cieux du Conflent... 

                                   Cristina Domínguez

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